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Actualité

Musique
Pop velours

Par Meggie Lennon et Sandrine Décarie

Du 28 au 31 août, Rouyn-Noranda s'est transformée en épicentre bouillonnant pour la 23e édition du Festival de musique émergente (FME). Trois ans que je n'avais pas pris la route jusque-là, et, avouons-le, le redoutable trajet de neuf heures pour rejoindre Rouyn n’avait rien pour nous réjouir. Ceci étant dit, dès notre arrivée au Sol Mineur, nous savions que ce dernier long week-end de l’été serait inoubliable. J’avais non seulement la chance de faire partie de la programmation, mais aussi le bonheur de partager cette expérience avec mon amie et coautrice de ce compte rendu, Sandrine Décarie, artiste peintre et tatoueuse au studio Mille excuses, passionnée d’histoire de l’art, actuellement étudiante à la maîtrise.

De 28 au 31 août, ce festival de curiosités musicales réunissait plus de 80 artistes dont certains au projets en plein balbutiements (Boutique Feelings), d’autres en pleine ascension (Population II), des groupes confirmés (Les Trois Accords), des ovnis musicaux venus du monde entier (Baby Berserk) et de véritables légendes de la musique québécoise (Les Freaks de Montréal incluant des membres de Voivod, Grimskunk et Groovy Aardvark) à Rouyn-Noranda.

Quatre jours et une dizaine de spectacles plus tard, voici ce qui nous a le plus marqué au FME 2025.

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JEUDI - 28 août 2025


Crasher

Au détour d’une ruelle humide, le Cabaret de la Dernière Chance nous a attiré avec sa chaleur feutrée. Il faut le dire, ça se rafraîchit rapidement à Rouyn. Quel plaisir de découvrir Crasher, la nouvelle formation réunissant Ash Woodhead (aka Doldrums), le bassiste Kai Thorpe et le batteur Tyrin Kelly.


Oscillant entre expérimentations sonores, touches jazz minimalistes, new wave et dance-punk furieux, Crasher fascine avant tout par sa capacité à surprendre et à captiver. Une présence encore plus marquante grâce aux lèvres bleues d’Ash et sa combinaison une-pièce. Sa voix, à la fois autoritaire, douce et alien, rappelle parfois Anita, parfois MGMT et, sur une chanson, s’adoucit à la manière de Chris Isaak. Les synthés, voluptueux, ajoutent une dimension futuriste à une pop rock pleine d’espace et de souffle. Avec l’album Oditti Populaire qui sortira en novembre sur Mothland, notre label préféré, on ne manquera pas de replonger dans cet univers fascinant.


Virginie B

Virginie B est autrice-compositrice-interprète, réalisatrice et multi-instrumentiste. Elle propose une réappropriation unique de l’hyperpop en y incorporant des touches de nu-jazz, de funk et de R&B, le tout accompagné d’une approche conceptuelle raffinée héritée de l’art pop. Son style se distingue par un goût prononcé pour le maximalisme et le glamour, explorant sa psyché, sa féminité et sa relation avec la technologie et la nature. Accompagnée ce soir-là de partenaire de vie et de musique Louis Jeay-Beaulieu à la basse, France Basilic (Qualité Motel) au saxophone, ainsi que Steeven Chouinard (Le Couleur) à la batterie, elle a créé un univers cunty party médiéval à souhait et on adore!


C’était la première fois que Sandrine voyait Virginie B en concert, et elle s’est laissée aspirer dans son univers. Sa pop cyber-bonbon, sucrée et débridée, nous a enveloppées dans une chaleur inattendue, illuminant la nuit de ses éclats scintillants par la cuirasse de chevalière qu'elle portait.


VENDREDI - 29 août 2025


Population II au BBQ Bonsound

Jeudi soir s’était terminé relativement tôt (je devais performer le lendemain) alors nous étions en forme pour attaquer quelques verres de limo-gin au légendaire barbecue Bonsound. Dans un jardin luxuriant, avec une piscine qui scintillait sous le ciel mi-couvert, le trio psych prog montréalais Population II a instantanément enflammé la journée.


La basse et la guitare faisaient tourner la tête, tandis que Pierre-Luc Gratton, chanteur et féroce batteur, murmurait dans son micro vintage. Juste à côté, des élèves affrontant le dur retour en classe pressaient leur visage à la clôture, hypnotisés par ce qu’ils entendaient. Parions que certains vont monter leur propre groupe d’ici peu et on a hâte d’entendre ça!


OFF festival: Émilie Monnet et Waira Nina - Nigamon/Tunai

Après le barbecue Bonsound, Sandrine s’est dirigée à la Galerie l’Écart, située à seulement quelques mètres de la scène principale du festival, à temps pour assister à une conférence animée par Émilie Monnet. Même si l’événement ne faisait pas officiellement partie du FME, la galerie organise chaque année des rencontres et performances qui permettent de s’inspirer, d’apprendre et de tisser des liens avec cette communauté unique.


Aux côtés de ses invité.es Waira Nina, Diane Polson, Leonel Vásquez et Rodrigue Turgeon, Monnet discutait des impacts des industries minières canadiennes sur l’environnement et sur les communautés autochtones, de l’Amérique du Nord jusqu’à l’Amazonie colombienne. Après ces échanges, Waira Nina a offert un chant ancestral bouleversant, consacré à la protection des eaux, accompagné du son produit par une carapace de tortue.


Le public a ensuite été invité à entrer en géorésonance avec les sculptures sonores de Leonel Vásquez, qui déplore l’exploitation minière menée par des compagnies canadiennes en Colombie. L’artiste crée des systèmes analogiques d’amplification acoustique pour faire chanter la tristesse des pierres, révélant la mémoire minérale au contact de membranes résonnantes.


Quel privilège d’avoir pu écouter ces artistes propager l’espoir par la musique et témoigner de leur lutte commune, une lutte qui devrait résonner en chacun de nous.


Meggie Lennon

Chargée à bloc de cet événement puissant, Sandrine s’est dirigée vers le doux concert de Meggie Lennon à L’Ordre Loyal des Mooses, où elle déployait ses compositions mielleuses et nostalgiques. Le quintette nous embarquait dans l’univers de Desire Days, le dernier album de Lennon, qui venait justement de se hisser à la 7ᵉ position du classement national !Earshot (radios collégiales et communautaires du pays) cette semaine-là. Forte de cette reconnaissance, Meggie affichait un sourire radieux.


Sa dream-pop explore des mélodies romantiquement Beatlesques, portées par des synthés rétro et enveloppants. Les sections rythmiques se mêlaient à une guitare bien présente qui ondulait et venait se lover jusqu'au coeur du public, transformant la salle en véritable cocon sonore.


SAMEDI - 30 août 2025


Larynx

Lors de ce spectacle présenté par Le Lait, le parterre était rempli de tout-petits : certains se bouchaient les oreilles avec les mains, d’autres sirotaient leur berlingot de chocolat. Larynx a transformé la scène en une véritable garderie psychédélique. Avec des compositions comme « Hafènaf » et la tendre « Lubie », il a captivé enfants et adultes grâce à son humour décalé et à une énergie rappelant celle de Bruno Blanchet sur l’acide. Ses mimiques comiques et ses gestes exagérés ont déclenché de nombreux éclats de rire, créant une atmosphère à la fois ludique et interactive.


Après ce tourbillon de musique et de rires, Meggie Lennon est montée sur scène pour son deuxième spectacle, envoûtant les enfants avec ses doux sourires et ses mélodies vibrantes. Elle prenait un plaisir évident à chanter et danser avec eux, se mêlant à leurs jeux et à leurs rires. Pendant ce temps, les adultes, encore un peu amochés de la veille, restaient en retrait, lunettes fumées sur le nez et berlingot de secours à la main. Un beau moment qui faisait chaud au coeur, malgré son heure un peu trop matinal pour certains.


Souper Pro présenté par Bonbonbon

Avec plusieurs éditions du FME derrière la cravate, c'était sans doute l'un des meilleurs soupers dégusté lors de l'événement. Concocté par les master chefs Alexandre Archambault (de Bonbonbon) et Samuel Boisvert, il nous a réchauffé le cœur autant que le soleil caressait notre peau. Chaque assiette, généreuse et magnifiquement présentée, offrait un festival de saveurs : daikon fondant, yakitori de poulet, éloté de maïs, steak cowboy boréal, fêta fumée, houmous et radis, tartare de truite et focaccia avec tomates fraîches. Ce repas nous a définitivement donné l’énergie nécessaire pour poursuivre notre aventure!


Yoo II + Nolan Potter

Bien rassasiées, nous nous sommes dirigées vers le lac sous un ciel rosé. Baptisé “Yoo II”, le projet réunissait les membres fondateurs du groupe post-rock Yoo Doo Right, Population II, et le multi-instrumentiste d’Austin, Nolan Potter. Ce show inédit a commencé juste au coucher du soleil sur le lac Osisko, sur les marches d’un vieil amphithéâtre du Parc Tremoy, où une scène improvisée en dalle de béton croulait sous amplis, pédales, guitares, synthés et deux batteries. D’ailleurs, la puissance des musiciens sur scène était telle que la génératrice a peiné à suivre le rythme, lâchant à plusieurs reprises sous le poids sonore de la bande.


La musique, principalement instrumentale, prenait la forme de jams live issues du prochain album Yoo II Avec Nolan Potter, explorant krautrock mouvant, shoegaze aérien, free jazz et un beau chaos bruitiste digne d’un Live à Pompéi. Un concert unique, suspendu dans le temps


Baby Volcano

Le nouveau projet chouchou de Gourmet Délice, Baby Volcano, offre un spectacle qui embrase tout sur son passage : percutant, hypnotique, impossible de rester immobile. Lorena Stadelmann nous entraîne dans son paysage sonore rythmique, habitant la scène avec la force et l’intensité d’un feu en fusion.


Je l’avais déjà vue l’an dernier au Festival de Jazz de Montréal et attendais avec impatience de la revoir. Baby Volcano ne sait pas ce que signifie “baisser l’intensité”. Fidèle à son nom, elle est un bébé volcan, petite de stature, mais débordant d’énergie, prête à exploser à tout instant. Elle l’a montré dès les premières notes, en repoussant un photographe un peu trop insistant, et a maintenu cette attitude tout au long du concert. Le show, incroyable, mêlait influences électroniques, latin expérimental et hip-hop, saupoudré de vibrations presque ritualistes. Baby Volcano a été, sans conteste, l’une des artistes les plus électrisantes de tout le week-end.


Dimanche - 31 août 2025


Les Freaks de Montréal

La 23e édition du FME se clôturait sur un hommage vibrant à Lucien Francoeur et Jacques Racine, et quelle explosion de talent sur scène! Entre les riffs de basse vertigineux de Vincent Peak et la batterie puissante de Michel Langevin, l’énergie incandescente d’Alex Crow à la guitare et les sourires constants de Joe Evil aux claviers, en plus des jeunes artistes qui réinventaient à leur façon les morceaux, les cœurs battaient fort. Et puis ce moment: Pierre-Luc Gratton micro à la main, debout (une première!), portant son t-shirt de Marjo. Ça me rappelait instantanément pourquoi j'adore cette scène et être Québécoise. Comme Gratton a dit plus tôt près du lac: "Y serait tant d'être un pays."


La finale? Un vrai feu d’artifice. Tout le monde (Rose Cormier de Mulsh, N Nao, Alix Fernz, Population II) est remonté pour Le Rap-à-Billy. DJ Félix B. Desfossés et le saxophoniste Nolan Potter se sont invités à la fête, et la salle vibrait d’une énergie collective incroyable. Chaque chanson, chaque sourire, chaque note nous rappelait que la musique traverse le temps, les générations… et même les rêves. En quittant le festival, j’étais euphorique, ressentant l’envie irrésistible de chanter encore et, qui sait, peut-être de retrouver un jour la gang sur scène pour chanter Blue jeans sur la plage.


Un énorme merci au FME pour cet accueil plus que chaleureux et pour avoir orchestré un festival de fou malgré l'équipe réduite! Tout vibrait d’énergie, de passion et de rock à chaque coin de rue. Vous nous avez offert des moments mémorables qui vont nous hanter positivement dans les prochaines semaines. Allez, on se revoit l'an prochain! 

Détails: https://www.fmeat.org/

 
 

Émiss
ions

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