Pop velours
Parce qu’à Pop Velours, on ne fait pas comme tout le monde, parce qu’on aime ça jaser de météo, et surtout parce qu’on court les événements culturels particuliers, on ne pouvait passer sous silence le Festival de la chanson de Tadoussac. À l’instar de la région, la fin de semaine de la Fête du déménagement à Tadoussac a été grandiose, époustouflant.
Décryptage.
Jour 1 : Humide et chaleureux
C’est sous une pluie quasi-bretonne que nous arrivons vendredi en fin d’après-midi, dans la première municipalité de la Côte-Nord. Bien que j’assistais pour la 5e fois au festival, mon acolyte en était à sa première édition. L’excitation est palpable. Le traversier nous ayant déposé du bon bord, on s’installe rapidement et nous nous dirigeons récupérer les accréditations. Première rencontre avec Thérèse, responsable des relations de presse, qui nous accueille comme rarement des médias l’ont été. On saisit la féerie qui nous attend pour les 72h à venir, malgré le temps gris qui persiste. Tadoussac se révèle. Bienveillante, Thérèse s’intéresse à notre venue et nous offre les clés du village.
Public coloré et imbibé! (Crédit : Rosemarie Lemieux)
Il n’est pas resté longtemps en place… Crédit : Rosemarie Lemieux
Nous quittons à la fin du set, pour nous diriger vers la performance de Urbain Desbois. Conteur, faisant dans le folk-rock-reggae-jazzy, on ne peut décrire son style… Il aime à faire rire, conter son quotidien, comme sa jalousie de Jean Leloup qui inspirera la chanson Jean Leloup, ou encore le morceau Mes chansons ne servent à rien (vous comprenez l’autodérision, en mettant de l’avant la situation de nombreux artistes au Québec). Accompagné de musiciens inspirants, on rit, on se réchauffe, accompagnés comme toujours de notre Belle-Gueule. Alors qu’il nous partage sa devise « Only dead fish go with the flow », le ton est lancé. On vous invite fortement à découvrir son 5e album I’m just and poor lonesome french canadian rockstar, baby.
Avant de se diriger dans le Sous-sol de l’Église, on passe par l’auberge pour voir ou revoir Samito. Alors que nous l'entendons sur la route, en entrevue à CHYZ, il précisait ne pas aimer qu’on lui colle l’étiquette World Music. On peut comprendre, car la chose est difficilement descriptible en un seul genre. Punk, rock, psyché, il a su mettre le GROS PARTY dès 22h00… Public plus nombreux que la veille, le band trippe solidement, sur les rythmes québéco-tribaux qu’il offre. Alors que les gens s’échauffent un peu trop dans la foule, un chroniqueur bien connu de la radio étudiante de Québec intervient au plus grand soulagement de tous. Malgré le ciel gris, la soirée est sauve.
Crédit : Rosemarie Lemieux
Alors que je célèbre mes 31 ans, montre en main, nous prenons une marche vers l’Église. Et voici que L'Osstidtour commence… Hip-hop, rap keb et célébrations bas canadiennes à l’honneur. KNLO, remplaçant Koriass, ouvre les festivités. Avec son premier album solo Long Jeu sorti l’an passé, il livre avec efficacité et fugacité quelques morceaux bien choisis, dont Tabac indien, toujours accompagné de sa moitié (à la ville, comme au micro), Caro Dupont. Quelques énergumènes d’Alaclair le rejoignent pour l’occasion. La glace est brisée, la foule déjà conquise d’avance.
Brown enchaîne la soirée! Les deux frères Snail Kid (Dead Obies), Jam (K6A, Jam et P-Dox) ainsi que leur père d'origine jamaïcaine, Robin Kerr (Uprising) montent sur scène. Dancehall, hip-hop oldschool, reggae, le métissage est toujours aussi efficace. Ces connaisseurs de la scène livrent leur premier album avec conviction sur les solos reggae-rock du paternel et les flows des deux artistes hip-hop. Réussite pour ce style avant-gardiste au Québec.
Alaclair ensemble livre le gros set. Ils sont enfin au complet! (les derniers concerts vus à Québec, l’un manquait souvent à l’appel). Nous sommes le premier juillet, nous nous attendions à voir des drapeaux mauve et orange du Bas-Canada, et bien non! De leur simple présence énergisante, ils ont livré plus d’une quinzaine de morceaux, allant aussi bien de 4,99 à Frères Cueilleurs. On en voulait plus, comme toujours!
Nous apprendrons plus tard que les célèbres soirées jusqu’au petit matin ne s’éternisent désormais plus, à cause d’une augmentation des plaintes. Nous trouvons donc l'auberge (lieu de prédilection pour terminer ses soirées au son de musiques pop des années 90) quasi-vide à 2h45 du matin. Nous rentrons en bons samaritains, tout en essayant d’aider un jeune à jeun, à sortir son auto du sable. En vain. Le repos nous attend avant la grosse journée du lendemain.
Crédit : Romain Thibaud
Jour 2 : Dévoilement de révélations
Après un lever au son des enfants de l’école primaire St-Joseph qui ramassaient les déchets de festivaliers vraisemblablement irresponsables (les coûts de l’hébergement revenaient à l’école), nous nous dirigeons au fameux restaurant Chantmartin, en haut de la côte. Alors que se dévoile le menu d’antan, nous en profitons pour remplir (sans dépasser) avec des crayons pastel quelques dessins de baleines au verso des napperons, et préparer la journée qui s’amorce.
Pendant la digestion, nous déplaçons nos corps avec enthousiasme vers la scène Découverte afin d’y découvrir Lydia Képinski. Cabaret Festif, Francouvertes, Révélation, l’artiste a su se faire remarquer et dans un cadre pluvieux comme Tadoussac, le monde ne s’est pas fait prier pour venir la voir. Elle a sorti l’artillerie lourde. Séquences douces au gros psyché-rock, elle a su charmer et surprendre un public ébahi. Standing ovation, un public qui en redemande. Lydia, qui ne pourra pas s’empêcher de lâcher son côté weirdo qui fait désormais partie d’elle, a su offrir en 45 minutes, un éventail de créations plus que prometteuses. On en redemandera.
Nous nous dirigeons par la suite vers le Gibard afin de souligner ma fête à l’aide d’un Bloody, et s’intéresser au Off. Cette année, Le Pêre-Coquart /Tomahawk et le Café Gibard ont programmé un petit off qui a su décoiffer la promenade. On n’en attendait pas moins des établissements bien connus. Le Gibard offrait en répétition Two birdz et Soucy, alors que Gab Paquet clôturera le festival le lendemain. On salue le jeune chansonnier Charles-Antoine Boulianne, qui en était à sa première prestation au Père Coquart. Il a su agrémenter les dégustations de pizzas, en interprétant à sa façon Major Tom de David Bowie.
Micro de Tadoussac. Crédit : Rosemarie Lemieux
Dans la journée, s’en est suivie une dégustation de bières locales à la toute nouvelle microbrasserie de Tadoussac (bien achalandée!), avant de repartir vers les exploits artistiques. MAIS quelle SURPRISE! En chemin, une escouade Quebecor, partenaire du Festival, nous invite à répondre à quelques questions… BINGO, nous gagnons une paire de billets pour le spectacle de Cayouche qui se trouvait déjà sold out! Nos plans de soirée changent quelque peu.
L’autre OFF du festival. Crédit : Rosemarie Lemieux
Avant le début de soirée, nous nous dirigeons à la Scéne Hydro pour découvrir Émile Gruff. Coup de coeur du festival pour ma part. 10/10 pour l’humour, ce conteur né sait agrémenter le moment entre histoires familiales rocambolesques et une musique rockement inspirante, parfaitement accompagné d’une basse et d’un clavier. La chimie opère, on l’en remerciera plus tard à l’auberge. On ne sait pas s’il s’en souvient…
Avant Cayouche, nous allons saluer les amis de la fabrique Culturelle Télé-Québec qui offrait un buzz de réalité virtuelle, afin de mêler gentiment tout le monde. Écouteurs, lunettes qui font de toi un érudit, et nous voilà embarqués à voir Karim ouellet (à Québec), la Bronze (aux Iles de la Madeleine), Safia Nolin (Ste-Rose-Du-Nord) ou Loco Locass (à Montréal) reprendre à tour de rôle Le Dôme de Leloup. On se laisse aller dans l'irréel avant de retrouver la pluie de la Côte nord, qu’on finit par adopter.
Réalité virtuelle pluvieuse | Crédit : Rosemarie Lemieux
Cayouche. Personnage acadien emblématique, conteur hors-pair. S'il n’était pas connu et talentueux, il pourrait facilement effrayer n’importe quel enfant de l’Ile de Montréal, tellement le style et l'attitude restent ancrés dans une tradition. Tradition qui a plu aux plus grands fans bien éméchés dans l’Église. Du monde au regard bovin allumé, des fans émerveillés à chacun des morceaux. Nous avons assisté à des retrouvailles attendues! Entre le Frigidaire de mon chum, Tu m’as flushé ou encore Export A, on a retrouvé un Cayouche «en forme». Je l’avoue c’était ma première fois…et autant le public que l’artiste ont su réchauffer une église déjà bien bondée.
Cayouche. Crédit : Rosemarie Lemieux
Pour finir la soirée, l’auberge reçoit deux derniers groupes fétiches qu’on a déjà pas mal vus sur les routes mais toujours autant de qualité : Les Deuxluxes et les Hôtesses d’Hilaire.
Le duo glam-rock-écorchés de rockabilly, qui n’est pas sans rappeler les White stripes ou The Kills parfois, a encore une fois brassé la scène Belle-gueule. Anna Frances Meyer et Étienne Barry ont charmé un public conquis d’avance, avant de laisser la place aux gars du Nouveau-Brunswick (Les Hôtesses). La troupe menée par Serge Bédard qui arborait ce soir là une robe des plus élégantes, toujours accompagné de sa splendide et hirsute barbe, a encore une fois fait taire tout préjugé. Poignant, trash, engagé, les paroles ont naturellement coulé sur une musique rock-punk transcendantale. Le final complètement magique laissant les musiciens jammer à leur guise. PUR génie.
Le duo des Deuxluxes accompagnant les Hotesse d’Hilaire / Crédit : Rosemarie Lemieux
Au détour, nous avons croisé Nadia, Frank et Clément (La Bronze). Le trio complémentaire, toujours aussi crinqués, jouait finalement le lendemain en show caché. Avant de se coucher on a pu apprécié voir Nadia et Clément interpréter Un ballet de forêt, à quatre mains, sur le piano de l’auberge. Merci guys!
Jour 3 : Un dîner Chez Mathilde pour se remettre “sua track”
Après s’être rempli la panse, nous assistons aux shows retour de Joseph Edgar et Saratoga. Moment de quiétude sous le premier vrai soleil de la fin de semaine. L’acadien en solo a repris quelques morceaux dont Espionne russe, avant de chaleureusement remercier le public pour toute la fin de semaine. Pour celui qui a du faire 5 ou 6 apparitions différentes, il se demandait encore si les gens dorment à Tadoussac, particulièrement pendant le Festival.
Saratoga. Ce couple qui sur la brosse ont décidé à Saratoga (état de New-york), dans le motel Turf and Spa, de se partir un band. Entre histoires vécues et interprétations simples de leur dernier EP éponyme, lui à la contrebasse et elle à la guitare, ils ont pendant une trentaine de minutes livré anecdotes et chansons de leur dernier album. Une douceur estivale sans pareil. Lui autant légèrement grivois que attendrissant, elle qui rit de cet aspect avec tout l’amour qu’elle lui porte. Oui, ça a été la plus belle façon de dire salut à Tadoussac et surtout à l’année prochaine.
Crédit : Rosemarie Lemieux