Pop velours
Par Meggie Lennon
Chaque année, M pour Montréal transforme la ville en véritable laboratoire musical, où les artistes émergents côtoient les grands noms, et où les pros de partout dans le monde découvrent leur prochaine obsession. C'est un marathon, avec un grand M, du 20 au 23 novembre – un M bien sonore où l’on danse, on écoute, on critique (gentiment), et on repart toujours avec des étoiles dans les oreilles. Cette édition n’a pas déçu, et entre deux gorgées de café pour survivre, j’ai pris des notes pour vous livrer mes coups de cœur du festival.
Le 21 novembre, après une performance expéditive de DVTR et Population II que j'ai pu voir plusieurs fois cette année, c'est en direction vers le Système en limousine – oui, j'ai bien écrit limousine, gracieuseté de Fred Poulin d’Ambiances Ambiguës/POPOP – que j'ai vu mon coup de cœur de la soirée: Patche! Ce quintette instrumental fusionne le krautrock et musique électronique avec une précision presque surnaturelle. Et laissez-moi vous dire, c’était "chaud". Mais avec Patche, c’est ça : dès que ça démarre, plus moyen de s’arrêter.
Dans la pénombre moite du bar, la deuxième moitié de la soirée s’est transformée en piste de danse improvisée, où l'on était bien tassé, comme des sardines. Les morceaux, portés par une cohésion digne d’un scalpel, s’enchaînaient avec des mouvements modulés à la perfection. Un crescendo sonore, une transe collective. C’était le chaos organisé dans toute sa splendeur suante.
Et pour finir en beauté? Éliane de La Sécurité, alias DJ Raven, a pris les platines pour clore la soirée avec une vibe qui nous a laissé flotter. Bref, une nuit où on a transpiré, dansé, et vécu pleinement.
Le lendemain, je m’équipais pour un autre marathon musical, mais celui-ci avait une petite touche particulière : la soirée M pour Mothland à la Sala Rossa. Autant dire que l’énergie était au rendez-vous et que la nuit a livré son lot de surprises et de coups de cœur.
Pour lancer les festivités : Alix Fernz, une révélation marquante de cette année, qui a su conquérir les cœurs dès le premier instant. Son punk rock anguleux et lo-fi s'entrelace avec des vocaux irrévérencieux, presque effrontés, qui prennent une tournure carrément extraterrestre une fois passés par son impressionnant circuit de synthés et d’effets, surtout lorsqu'il "mange" le micro. Malgré l’intensité post-punk de sa direction musicale, ses morceaux dégageaient une douceur inattendue et un groove irrésistible. On adorait lorsqu’il jetait un regard complice à son groupe, un sourire quasi-timide, fendu jusqu'aux oreilles. Ajoutez à cela un groupe solide – batterie percutante, basse imperturbable, et un équilibre parfait entre la guitare ultra-précise et le synthé – et vous obtenez une performance 100 % maîtrisée, mais avec une tonne de plaisir.
Ensuite, Hot Garbage de Toronto a plongé la salle dans une obscurité quasi totale pour nous livrer leur garage rock noir de haute voltige. Une ambiance hypnotique et saturée, parfaite pour se perdre dans le moment. Puis est arrivé LE moment fort : TVOD, de Brooklyn, fraîchement signés chez Mothland. Ce sextuor électrisant offre une relecture irrésistible du post-punk, avec des influences funk et hardcore qui donnent à leurs morceaux un côté inclassable et totalement dansant. Leur énergie sur scène était contagieuse, et ils ont transformé la Sala Rossa en un vortex sonore où le chaos joyeux, mené par le chanteur Tyler Wright, était roi. Leur set a fait basculer la soirée dans une fête totale, impossible à ignorer.
Par contre, la palme de l’intensité revient sans conteste aux punks hardcore de Truck Violence. Leur performance, sauvage et imprévisible, était comme une grenade dégoupillée sur scène. Et juste au moment où l’on pensait comprendre leur brutalité sonore, ils ont tout arrêté pour offrir un moment tendre et inattendu : une chanson dépouillée, banjo et voix seulement, qui a suspendu l’énergie furieuse en une pause étrange et vulnérable. Mais ne vous y trompez pas : cette douceur n’a servi qu’à attiser la bête. Aussitôt le dernier accord du banjo joué, ils ont relancé leur set avec une violence décuplée, comme si ce moment de calme les avait rechargés à bloc.leur show mélangeait une attitude brutale presque menaçante à une présence scénique captivante. C’était sauvage, imprévisible, et surtout terriblement efficace pour hypnotiser la foule.
J’ai malheureusement manqué la performance du duo techno-théâtral Slash Need – une petite pause pour me préparer à un autre (!) after-party était inévitable. M pour Montréal? Fun, vous dites? Absolument!
Le 23 novembre, Allô Fantôme débarquait au Café Cléopâtre avec son premier long jeu, Chut! et honnêtement, après les marathons consécutifs qu'a offert M pour Montréal, c’était exactement ce qu’il me fallait pour clore cette folle fin de semaine en beauté. Comment je me suis retrouvée là? Mystère. Peut-être un sort jeté par un fantôme.
Produit par Alexandre Martel, l’album, sorti le 25 octobre sous l’étiquette Bonbonbon, ne s’est pas matérialisé sur scène comme une simple photocopie sonore. Oh non! Les mélodies tranquilles et mélancoliques qu’on savoure dans son salon ont pris un virage hyper dynamique sur scène, probablement grâce au très big band (10 en tout!) qui l’accompagnait. On parle ici de vibes revisitées à coups de tambours battants, de flûte traversière, de quatuor à cordes et de guitares bien senties – une petite bombe d’énergie déguisée en ballade pop-rock à saveur 70s. Pour les non-initiés, Allô Fantôme, c’est le projet de l’auteur-compositeur-interprète Samuel Gendron. Et si vous ne le saviez pas encore, considérez ceci comme votre appel à le découvrir. Ou, devrais-je dire, votre allo!
On se revoit en novembre 2025, mon cher M!
Pour réécouter la sélection musicale de votre animatrice Meggie Lennon, vous pouvez accéder à la liste SPOTIFY par ici: https://open.spotify.com/playlist/6U8ZtpeGKUoqRLPwNryPf8?si=c7e81d6f36854008