Les conseils municipaux du Québec compte 32% de femmes et 19% des mairies sont dirigées par des femmes soit 205 mairesses sur l’ensemble du territoire québécois. Dans le cadre de son magazine hebdomadaire sur l’actualité des municipalités et alors qu’une élection municipale se tiendra en novembre prochain, le journaliste David Lemelin rencontre Maude Laberge Présidente de la Commission Femmes et gouvernance et mairesse de Sainte-Martine. La petite municipalité de la Montérégie, à 35 km du centre-ville de Montréal, est un petit village de 5 600 martinois et martinoises où l’économie locale est très dynamique.
David Lemelin : Quelle est la situation pour les femmes dans le milieu politique municipal?
Maude Laberge : Il y a une progression mais elle est beaucoup trop lente, il faut vraiment qu’on fasse des efforts collectifs pour accélérer la cadence puisque à chaque mandat, c’est à dire aux quatre ans, on augmente seulement de 2% la représentativité des femmes dans les conseils municipaux. Si on veut bien représenter la population et prendre les meilleures décisions possibles, parce qu’on le sait quand il y a des gens différents autour de la table on prend de meilleures décisions parce que différents angles sont analysés, il faut tendre davantage vers cet idéal là. Il y a vraiment une plus-value à la parité et les conseils municipaux devraient accélérer la cadence pour y parvenir.
David Lemelin : Quelles sont les embûches principales?
Maude Laberge : On voit une différence entre les grandes et les plus petites municipalités qui sont la majorité au Québec. Il y a 1 100 municipalités, une dizaine de grosses villes ensuite ça se décline rapidement vers des petites municipalités. C’est très bien les petites municipalités mais au niveau de la parité on voit une différence parce que dans les grandes villes il y a l’idée de l’équipe. Si c’est pas par parti politique c’est par équipe électorale, et ça fait en sorte deux choses : d’une part une équipe va présenter en 2021 la parité, ça se verrait mal un conseil municipal juste composé d’hommes par exemple, la population demande autre chose, alors que dans les petites municipalités il n’y a pas cette idée là de parité ce qui fait que les femmes se sentent moins soutenues pour la campagne électorale qui fait quand même un peu peur. C’est sûr qu’il faut travailler cette idée là d’aller se présenter, de faire face aux médias, d’aller faire -dans un contexte normal- du porte à porte… donc les femmes se sentent plus soutenues en équipe et c’est l’une des raisons qui explique que dans les grandes villes on arrive plus rapidement à la parité. L’autre idée c’est que si jamais une femme, indépendante et qui pourrait se retrouver techniquement plus facilement seule face au reste du conseil municipal, cette idée fait peur à une femme qui craint de se retrouver en minorité, devoir lutter pour faire sa place, c’est discuter, faire circuler des idées qui sont pas toujours celles de la majorité qui serait dans ce cas là masculine.
David Lemelin : Il y a une perception pas très attrayante ou plus ou moins positive de l’univers politique qui retiendrait les femmes à se lancer en politique.
Maude Laberge : Oui. C’est la culture de ce que l’on pourrait percevoir comme une arène de boxe et ça fait peur. Voilà pourquoi à la Commission Femmes et gouvernance on met de l’avant des modèles de femmes qui ont beaucoup de plaisir dans le monde municipale. Moi je répète souvent la même chose soit que la décision la plus difficile à prendre c’est celle de se lancer mais une fois rendue, dans la grande grande majorité des cas, les femmes font leur place et facilement et ont du plaisir à travailler dans un conseil municipal. On parle plus de jeu d’échec à la Commission plutôt que l’image de l’arène politique, parce qu’il faut être stratégique.
David Lemelin : Dans cette imagerie violente véhiculée particulièrement lors des débats, les médias ont une part de responsabilité.
Maude Laberge : Oui il y a une responsabilité sociale de prendre conscience des images véhiculées qui sont parfois horribles alors que la plupart du temps ce n’est pas comme ça que ça se passe. Ensuite il faut mettre des modèles de femmes qui vont expliquer la réalité. On comprend assez rapidement qu’on peut débattre avec le ton qui est le nôtre, sans mettre le poing sur la table ou sans agressivité et au final c’est l’idée qui se complète avec l’idée de la personne en face qui aboutie à une meilleure décision. C’est cette image là qu’il faut mettre de l’avant dans les médias.
David Lemelin : Il y a également le cliché de l’incompatibilité entre vie familiale et politique.
Maude Laberge : Ça c’est à déconstruire. J’ai fait de la politique municipale parce-que je voulais concilier le travail et la famille. Je suis dans une petite municipalité, je suis proche de l’école de mes filles, j’ai pas à voyager beaucoup, j’ai un contrôle sur mes horaires… la politique municipale facilite la conciliation travail-famille et puis ça c’est important que les médias évoquent cette situation. C’est certain que ma situation n’est pas celle de la mairesse de Montréal qui a un horaire plus chargé, elle a de grands ados à s’occuper et elle le fait très bien, donc c’est sur la perception que la société a de cette conciliation qu’il faut travailler. Évidemment dès qu’on parle de conciliation travail-famille c’est difficile pour tout le monde, n’importe quel couple qui a des enfants, qui a un emploi à temps plein connaît cet enjeu. Je vois mes amies infirmières, elles travaillent de jour, de soir, de nuit, une fin de semaine sur deux et pourtant elles le font donc ça se fait et on les remerciement grandement. Je trouve que la conciliation travail-famille des infirmières est beaucoup plus un enjeux que pour une élue municipale. Si on prend le temps de nommer les choses pis de les mettre en perspective tout ça se déconstruit.
Écoutez l'intégralité de l’entrevue dans le magazine «Dans ma rue» présenté par David Lemelin sur CKIA 88.3 - CKIAFM.ORG - L’APPLI CKIA et sur ses plateformes numériques. https://www.facebook.com/106233557573298/videos/254481582927692
