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Entrevues

 Le Conseil du Statut de la Femme et les Productions Bazzo Bazzo viennent tout juste de produire une série balado intitulé "Les femmes et l'argent", afin de creuser ce rapport qu'entretiennent les femmes  à ce que l'on peut considérer à la fois comme un outil et comme un levier d'émancipation. Dans l'édition du 3 mars de Québec,réveille ! , Marjorie Champagne a eu le bonheur d'en discuter avec nulle autre que Marie-France Bazzo,  : 

 

Marjorie Champagne:  Marie-France, vous co-animez avec Marie Grégoire un balado qui se nomme Les femmes et l'argent. Faut dire que le sujet, il est inépuisable, l'argent et les femmes, c'est quand même deux points d'intérêt à creuser!


Marie France Bazzo : On pourrait même dire, globalement, l'argent et le Québec! On a vraiment un rapport très très particulier, culturellement, à l'argent, au Québec, et quand on creuse la question des femmes et de l'argent – c'est vraiment intéressant parce que quand on faisait la balado, Marie et moi, y'a des sujets qui touchent plus directement, plus précisément les femmes quand on parle d'argent, mais y'a beaucoup de questions où on se disait « hum, est-ce que cette situation là, ça touche spécifiquement les femmes, ou c'est vraiment avant tout une question culturelle au Québec, ce rapport à l'argent ?  « On est nés pour un petit pain, faut pas trop le montrer, ha c'est pas grave ! » Y'a quelque chose, parfois ça se croise, parfois c'est vraiment spécifiquement « quel est le lien entre les femmes et l'argent ? » on s'est vraiment beaucoup amusées à faire ça ensemble,  mais ça a posé  des questions. C'est un cheminement, je pense, qui continue à nous habiter et puis, j'espère, qui va essaimer à travers le balado, parce que ça nous concerne pas mal toutes !

 

MC : y'a même de vos invité.es qui désiraient demeurer anonymes …

 

MFB : Oui, oui, absolument! C'est particulier, c'est dire à quel point... entre autre des hommes qui faisaient moins d'argent que leur conjointe, euh, une fille qui, vraiment, dans une optique féministe, essaie de brasser ses copines autour, ses collègues, de leur dire « écoutez, négociez mieux que ça,  ça n'a aucun sens » mais qui ne veut pas trop s'afficher non plus... oui, y'a des zones... c'est un sujet « totché »!

MC : C'est « totché » ...On est loin, je vais y aller dans le cliché des américains, mais les américains eux, han, bling bling, y'a pas de problème, les grosses chaines en or, pis ça y va par-là!

MFB : Oui, c'est pour ça aussi qu'il y a quelque chose de culturel, vous avez tout à fait raison de sortir cette comparaison avec les États-Unis. En France c'est aussi très nébuleux les questions salariales, on ne sait jamais vraiment combien gagne notre interlocuteur, même dans la famille, quand on a de la famille en France- c'est mon cas -  je ne sais pas exactement combien gagne mon beau-frère ou ma belle-sœur. Y'a quelque chose de nébuleux, de flou... puis ici au Québec on est un petit peu à la croisée des deux, on aime bien étaler nos possessions, le reflet de notre richesse le reflet de ce qu'on a quand on en a, mais y’a en même temps ce tabou autour de la négociation, autour du fait d'avoir de l'argent, mais aussi autour de tout ce que ça implique avoir de l’argent. Et ça, ça nous ramène aux femmes. Pour moi et pour Marie, l’argent est indissociable du pouvoir. En terme collectif, on ramène l'idée des classes sociales, c'est sûr que le pouvoir est là où est l'argent dans les classes sociales, mais au point de vue individuel, une femme monoparentale avec des enfants qui travaille comme préposée aux bénéficiaires n'a pas le même pouvoir qu'une cheffe d’entreprise.

MC : Tout à fait. Le pouvoir vient avec l'argent, vous l'avez dit. Pis à quel point est-ce que ce pouvoir la peut être bien exercé, doit être bien exercé sans écraser les autres ça aussi c'est une bonne grosse question!

MFB : y'a le côté judéo-chrétien effectivement, ça, on revient au Québec, c'est très culturel, ça c'est propre au Québec, je suis certaine qu'il y a des hommes qui vont se reconnaître dans ce que vous venez de dire. Mais y'a vraiment... on a fait un vox pop et vraiment, on est tombées en bas de notre chaise, parce qu'on parlait de la question du pouvoir. Pour nous, je le répète, l'argent donne du pouvoir, même modestement, on parle pas d'argent à des niveaux stratosphériques, on parle juste d'avoir le pouvoir par exemple, pour une femme de quitter un conjoint avec lequel elle ne se sent pas confortable. Ça prend de l'argent pour pouvoir payer l'appartement à côté, pour pouvoir se faire vivre et faire vivre la famille, donc l'argent donne le pouvoir de prendre des décisions dans la vie, de quitter un emploi qui ne nous satisfait pas, de s'accorder un peu de luxe, juste le nécessaire qui fait qu'on va avoir une vie sécuritaire. Alors pour nous l'argent est synonyme de pouvoir. On demandait à des gens rencontrés dans la rue, de tous âges, et des femmes aussi, c'est quoi le pouvoir, le vrai pouvoir pour les femmes? Et ça tournait beaucoup autour de : « le pouvoir des femmes c'est leur féminité, ça passe par leur physique, ça passe par leur beauté ça passe par le sexe... » Oui c’est un pouvoir, certes, mais de considérer que le Pouvoir avec une majuscule est là, ça a été vraiment un choc !

MC : Marie-France Bazzo, c’est quand même triste de penser que les femmes sont, et c'est prouvé, moins riches que les hommes en général, elles exercent des métiers qui sont moins bien payées, on l'a vu avec la pandémie entre autres. En dehors de la réorientation, on ne va pas toutes se réorienter vers le numérique ! On fait quoi pour avoir plus d'argent et plus de pouvoir, ou plus de pouvoir sans argent aussi?

MFB : Ça passe par différents leviers, y'a celui de pression politique, de pression économique pour que par exemple le salaire minimum soit haussé, soit ajusté, que les conditions de travail dans des milieux typiquement féminins, et la pandémie aura été un épouvantable formidable révélateur de la vulnérabilité économique des femmes, les femmes qui sont beaucoup dans des secteurs, encore moins payé, du soin, du care, de l'enseignement, où la charge de travail est ingrate et souvent les salaires ne sont pas à la hauteur , donc des pression politique des élus et des élues qui se font le porte-ballon de ces revendications-là. Dans notre vie personnelle, de se rendre compte que l'argent est un pouvoir, de savoir négocier, dans les métiers qui ne sont pas encadrés par des conventions collectives, nous avons un pouvoir et nous pouvons aller chercher de l'argent, de cesser de se dire que « non, c'est pas grave, je le mérite pas, » non, c’est pas vrai, y'a vraiment des leviers, des ressorts personnels, des ressorts collectifs pour arriver à avoir plus d'argent, d'avoir des modèles aussi y'en a de plus en plus.


L'entrevue intégrale est disponible ici à la 48e minute : Québec,réveille 3 mars 2022


Pour plus de détails sur cette série balado hors du commun, consultez l'article de Mélina Nantel dans La Gazette des Femmes 

 

 
 

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