Pop velours
Par Meggie Lennon
Photo par Antoine Bordeleau pour le magazine VOIR
Aujourd’hui, je m’entretiens avec Dan Seligman, directeur créatif de POP Montréal.
Pour ceux qui n’y sont peut-être pas si familiers, pouvez-vous peindre un portrait du paysage musical de Montréal en fonction de comment vous le percevez?
Je pense que cela ressemble beaucoup à ce que l’on retrouve dans les grandes villes. C’est assez diversifié. Montréal est cosmopolite donc il y a des gens du monde entier qui y habitent. Il y a beaucoup d'influences différentes en tant que ville franco-canadienne en Amérique du Nord. Il y a la culture francophone, la culture anglo-canadienne, il y a la culture américaine et européenne, bref, différentes influences. Il y a aussi beaucoup de jeunes en plus des quatre grandes universités. Je pense donc qu’il y a une ouverture aux différents sons et idées et ça fait place à beaucoup d’expérimentation. Je pense que comme ce n’est pas une ville où l’industrie musicale est extrêmement développée et que c’est un endroit assez abordable pour vivre, les artistes peuvent demeurer eux-mêmes et développer des sons et des idées sans être influencés par les grandes tendances commerciales. La musique ici est plus avant-gardiste ou expérimentale que ce que l’on peut entendre maintenant à L.A., à New York ou à Toronto.
Je fréquente l’événement depuis 2009 et la programmation est souvent très éclectique. On peut penser aux artistes comme John Cale, Barbara Lynn ou Giorgio Moroder. Comment conciliez-vous vos goûts personnels avec ce qui représente le mieux l’identité du festival en plus de tenir compte des attentes du public?
On doit trouver un équilibre. J'ai mes goûts personnels et tout le monde a ses goûts personnels en musique. J'ai une sensibilité assez éclectique et j'écoute beaucoup de musiques différentes, donc je pense que j'ai de la chance à cet égard et aussi par rapport à la programmation. Je prends toujours des suggestions, que ce soit des employés ou des fans de POP Montréal ou de différents artistes. Je suis toujours à la recherche de nouvelles idées, de nouvelles suggestions de bookings. Il y a beaucoup de choses que nous programmons dont je ne suis pas forcément fan, mais il demeure que j'aime recevoir des suggestion. L'équipe s'intéresse aussi aux tendances musicales. On peut donc trouver un équilibre entre les choses que l’on aime vraiment et les idées provenant de différentes personnes ou les tendances au sein de la culture populaire. C’est un défi à coup sûr car on veut être progressistes et repousser les limites mais on veut aussi des artistes établis aimés par le public. Il est toujours un peu difficile de trouver le mélange parfait de découvertes et de nouveaux artistes sur lesquelles les gens vont tenter leur chance et des choses qui vendront assurément des billets.
Comment les artistes montréalais se démarquent-ils dans la programmation? Quel est le pourcentage d'artistes locaux vs. nationaux vs. internationaux?
Bonne question. Je ne connais pas les statistiques par coeur mais je pense que ça s'approche de 50% pour les artistes locaux. Il y a beaucoup de choses locales cette année comme les têtes d'affiche Leif Vollebekk, Homeshake, Lydia Képinski en plus des groupes qui ont fait une soumission. Il y a aussi beaucoup d'artistes ontariens et torontois, car pour eux, il est plus facile de voyager jusqu'ici. Il y a toutes sortes de trucs incroyables tels que les groupes Pottery, Heathers, Lucas Charlie Rose, et évidemment beaucoup de nouveautés de Montréal. Bien sûr, plusieurs de nos têtes d’affiche viennent de différentes parties du monde. Nous avons Sista Majesty de la Martinique et Lena Platonos qui vient d’Athènes, en Grèce, donc oui, il y a des gens qui viennent de partout dans le monde.
Au cours des dernières années, il y a plusieurs nouveaux festivals musicaux qui sont apparus dans la région. On n’a qu’à penser à Mile Ex End, à Santa Teresa ou même Slut Island. Est-ce que cela vous rend la tâche plus difficile afin que POP Montréal se démarque et réussise à attirer un nouveau public?
Je pense que l’identité de POP est assez forte. C’est toujours un peu difficile, surtout avec des festivals comme Mile Ex End qui a lieu deux semaines avant notre événement. C’est un réel défi. Je pense honnêtement qu'il y a suffisamment de place dans l'écosystème pour tout le monde, en particulier pour les festivals comme Slut Island, qui est très "grassroot" et totalement connecté à la communauté. Je n'ai rien d'autre que de l'amour pour un tel événement. Je pense que c'est vraiment cool. Je pense aussi que ce genre de situation nous amène à réfléchir à ce qu’on fait et pourquoi on le fait. Ça nous aide à rendre POP encore meilleur et à s'assurer qu'il se démarque. Puis finalement, c’est le public qui décide. Mais lorsqu’on est confronté à une entité corpo telle Mile Ex End, cela peut certainement être un peu décourageant surtout quand on essaie de créer quelque chose à partir de zéro, qu’on travaille avec la communauté et qu’on n’a pas de compte bancaire énorme pour nous supporter. Parfois, cela peut sembler injuste, mais telle est la vie, on absorbe les coups de poing et on essaie de rendre notre événement encore meilleur.
Le festival POP Montréal fait un effort constant en matière d'égalité des sexes au sein de la programmation. Comment vous-en êtes vous tirés cette année?
Nous n’avons jamais eu à faire un effort conscient pour parvenir à la parité. C'est toujours un processus assez naturel pour nous. Je pense que c'est important d'un point de vue purement musical. Qui veut juste entendre des hommes chanter ou jouer de la guitare? Il est si important d'avoir des sons différents et des voix différentes et entendre la musique et la voix des femmes. Je ne connais pas le chiffre par coeur, mais chaque année, nous avons de plus en plus de femmes dans la programmation.
Que s’est-il passé avec Wanda Jackson? On sait qu'elle a récemment annulé sa présence.
Elle avait des problèmes de santé, ce qui est vraiment dommage. Nous étions vraiment excités pour ce spectacle. Il y a deux semaines, sa petite-fille, qui est aussi sa gérante, nous a annoncé ça. Je ne peux pas vraiment dire pourquoi spécifiquement, mais oui, c’est dû à des problèmes de santé.
Vous avez déjà mentionné que Tom Waits était l’un de vos "dream bookings". Y en a-t-il d’autres auxquels vous rêvez?
Oui, qui d'autres j'aimerais vraiment avoir? Il y a beaucoup de gens plus âgés que j'aimerais faire venir comme Stevie Wonder. Ce serait trop cool mais malheureusement, il ne fait que les arénas. Comme la question de la parité, je pense qu'il est aussi important d'entendre ces voix qui ont eu un impact historique sur la musique populaire. Il y a un aspect éducatif à tout ça. Surtout maintenant, avec la façon dont les gens consomment de la musique et les jeunes qui écoutent de la musique sur Spotify. La musique, pour eux, est quelque chose de si éphémère. Vous entendez une chanson, vous pensez que c'est cool et ensuite vous l'oubliez. Il est important d'avoir des légendes de la musique. Nous essayons d’avoir Lil Kim pour l'année prochaine. Ça devrait être assez drôle.
POP Montréal a lieu du 26 au 30 septembre 2018
https://popmontreal.com/