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Affaires publiques

Les dernières vagues de départs de commerçants de la rue Saint-Joseph ont porté un dur coup à l’artère commerciale, où l’on trouvait autrefois de grands magasins, comme Benjo, Laliberté et le magasin de plein air La Cordée. Récemment, l’annonce de la fermeture du resto-bar Le District Saint-Joseph, prévue pour le début de 2026, ainsi que le déménagement du Knock-Out ont aussi affecté le quartier

Julie-Anne Perreault - CKIA - IJL


Une vague de commerçants quittent la rue Saint-Joseph, crédit photo : Julie-Anne Perreault

En plus de plusieurs boutiques, telles que Baizenville et Surplus militaire, on apprend que le coiffeur Marcus quittera également la rue Saint-Joseph l’an prochain. À travers cette période plus difficile que traverse le quartier, une question s’impose : quelles sont les raisons qui poussent certains commerçants à plier bagage ?

Des témoignages nuancés

Le coiffeur Marcus fait partie de ceux qui quitteront l’artère commerciale, crédit photo : Julie-Anne Perreault 

Bien que l’itinérance et l’aspect général de la rue — notamment l’éclairage et le nettoyage — soient souvent évoqués, c’est une pluralité de facteurs qui expliquent les départs actuels.

C’est à contrecœur que le coiffeur Marcus a pris la décision de quitter la rue Saint-Joseph, après une dizaine d’années dans un quartier qu’il décrivait comme unique et attractif. Celui qui a eu pignon sur rue à deux adresses différentes estime aujourd’hui avoir « fait son temps ».

« Premièrement, c’est sûr que le coût du local ne me convient plus. Quand j’ai ouvert, il y a cinq ans, j’avais envie d’un grand salon. Maintenant, j’ai envie de plus petit », indique d’entrée de jeu celui qui est aussi connu comme le coiffeur de plusieurs vedettes québécoises, dont Marie-Pier Morin et Véronique Cloutier.

Même s’il réfléchissait à ce départ depuis un moment, le sentiment d’insécurité ressenti par certaines de ses clientes, de même que la présence accrue de l’itinérance, ont contribué à confirmer sa décision.

« J’aimerais faire partie de la solution pour améliorer la rue Saint-Joseph, mais depuis quelques années, malheureusement, j’ai des clientes qui, après 17 h, sont inquiètes de venir sur la rue à cause de l’itinérance », ajoute-t-il.


Selon lui, plusieurs de ses clientes éprouvent aussi des difficultés à accéder à son commerce en raison des nombreux travaux effectués dans les rues avoisinantes.
« Des fois, les clientes arrivent avec 25 minutes de retard parce qu’elles ne trouvent pas de stationnement. Il y a des travaux partout […] on dirait que personne ne se parle. »

L’ambiance générale du quartier

Comme plusieurs commerçants, il exprime le désir de voir revenir une ambiance plus chaleureuse dans le quartier, particulièrement durant la période des Fêtes.

Récemment présente sur nos ondes, la nouvelle directrice de la SDC de Saint-Roch, Catherine Pelletier, a d’ailleurs annoncé l’octroi d’un montant à chaque membre afin qu’ils puissent décorer leurs vitrines et leurs façades — une demande formulée par les commerçants l’an dernier.

Le coiffeur termine sur une note positive quant à l’avenir du quartier. Il accueille favorablement l’arrivée de la nouvelle conseillère municipale du district Saint-Roch–Saint-Sauveur, Elainie Lepage, mais réitère que la suite se fera sans lui.

Au moment d’écrire ces lignes, la nouvelle adresse du salon Chez Marcus n’avait toujours pas été dévoilée. Il quittera son local du 824, rue Saint-Joseph, en janvier.

Des locaux fantômes

Comme plusieurs propriétaires et résidents, il constate la présence de nombreux locaux vacants dans le quartier. Certains commerçants quittent pour des raisons financières et, parallèlement, de plus en plus d’espaces demeurent inoccupés.

De grands joueurs de l’immobilier au Québec ont manifesté un vif intérêt pour le quartier au cours des dernières années. Ce que l’on surnomme le « Nouvo Saint-Roch », où entreprises technologiques et boutiques tendance côtoient les événements artistiques, semble toutefois perdre de son élan.

Le Groupe Mach est l’un des principaux acteurs du secteur. Propriétaire d’une vingtaine d’immeubles à Saint-Roch, représentant environ 1,3 million de pieds carrés, le groupe détient précisément sept propriétés sur la rue Saint-Joseph, incluant 250 unités résidentielles et plusieurs locaux commerciaux.

Le Groupe Mach détient plusieurs immeuble en Basse-Ville de Québec, et de ce nombre, entre 15% et 20% sont vacants, crédit photo : Julie-Anne Perreault

« Notre phase d’acquisition pour Saint-Roch est terminée. Aujourd’hui, on doit vraiment se concentrer et mettre toutes nos énergies sur l’optimisation de nos actifs », explique Michel Ayotte, vice-président du Groupe Mach.

Pour le groupe, qui rappelle être propriétaire de quelque cinq millions de pieds carrés d’espaces commerciaux à travers le Québec, les locaux vacants font partie d’un processus naturel.

Quant aux types de commerces ou de secteurs d’activités recherchés pour occuper les espaces vacants, le vice-président demeure prudent. Il indique toutefois que les services essentiels, de même que le développement résidentiel, figurent parmi les priorités.

« Une tempête parfaite »

Selon lui, le quartier a traversé une série d’événements qu’il qualifie de « tempête parfaite », une situation qu’il n’avait pas anticipée, malgré son expérience dans le milieu immobilier.

L’entrepreneur affirme travailler avec différents groupes communautaires et acteurs du milieu, notamment la SDC, afin de contribuer à l’élaboration d’une vision d’ensemble et d’une planification stratégique pour « passer à travers la période actuelle ».

« On a un nouveau spectacle, Aura, à l’église Saint-Roch. Pour moi, c’est une occasion incroyable d’utiliser un produit culturel pour relancer Saint-Roch. C’est l’ancrage », souligne Michel Ayotte.

Ce spectacle immersif, créé par l’entreprise montréalaise Moment Factory, fait partie des projets phares annoncés par l’administration du maire de Québec pour revitaliser le quartier.

Concernant l’aide aux commerçants, M. Ayotte précise que le groupe travaille déjà avec différents incitatifs, mais qu’il « laisse aux différents paliers gouvernementaux le soin d’explorer, au besoin, des mesures plus importantes, comme cela s’est fait dans le passé ».


François Lebel a exercé son commerce de 1982 à 2002 à Place Quartier, avant de le relocaliser à son emplacement actuel. Il figure parmi les commerçants « vétérans » du quartier, avec plus de 43 ans d’activité à Saint-Roch. Photo: Julie-Anne Perreault

Se réinventer : la stratégie ?

Pour François Lebel, copropriétaire de La Place Boutique Gourmande, située à l’angle des rues Du Pont et Saint-Joseph Est, le quartier a déjà traversé plusieurs crises, évoquant notamment la guerre des motards et la démolition du mail.

« Aujourd’hui, ce sont aussi les changements dans les habitudes de consommation qui frappent de plein fouet de nombreux commerces. Et ce n’est pas propre à Saint-Roch, c’est partout », explique-t-il.

« Le commerce de détail n’existe plus. »
— François Lebel, copropriétaire de La Place Boutique Gourmande

Selon lui, la situation actuelle pourrait être l’occasion de repenser les besoins du quartier. Les commerces de luxe et la vocation strictement axée sur les édifices à bureaux ne seraient plus viables.

« À un moment donné, il faut les transformer, leur donner une autre vocation », ajoute-t-il.

Celui que vous connaissez aussi comme chroniqueur à notre antenne dresse un portrait de ce qu’étaient autrefois nos centres-villes et explique comment le départ des grandes familles vers les banlieues a laissé place à des espaces de bureaux.

« Pour rétablir le quartier, il faut permettre aux gens d’y habiter. »
— François Lebel

Il estime que l’embourgeoisement n’élimine pas nécessairement les logements destinés aux personnes les plus vulnérables, puisque les HLM et les coopératives d’habitation sont protégés. Toutefois, l’implantation d’Airbnb au détriment du logement résidentiel fragiliserait l’équilibre du quartier.

Concernant l’ambiance et la place de l’itinérance, il affirme observer moins d’altercations qu’auparavant.
« Peut-être que j’ai des lunettes roses, mais en même temps, on a ici une approche différente de bien d’autres », ajoute-t-il, soulignant l’importance de la convivialité.

Il conclut en affirmant que « plus on mise sur son centre-ville, plus on favorise le retour du commerce de proximité ». Rappelant l’évolution des habitudes de consommation, il suggère de miser sur le bien-être et le divertissement — comme les jeux d’évasion, le pub La Revanche ou encore le golf intérieur — des avenues qu’il considère prometteuses pour l’avenir.

 
 

Émiss
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