CKIArt
Par Kim Jandot
Ils sont quatre et font du métal,
plus exactement de la « musique extrême » selon leurs mots. Leur band
s’est créé en 2017 et ils n’ont pas chômé depuis puisqu’ils ont sorti un
premier EP en 2018, Falsehood, puis un album en 2019, Violence is the
only way.
Comment expliquer cette rapidité
de création? « Une des caractéristiques du style qu’on visait au début,
le « powerviolence », c’est que les tunes ne sont pas très longues,
expliquent-ils. Écrire une tune d’une minute, une minute et demi, ça ne
demande pas énormément de talent. Bien la faire, c’est ça qui demande plus de
maîtrise du style. »
Il y a d’ailleurs une petite
anecdote derrière leur EP, qui est sorti le 1er janvier 2018 à
minuit, donc à l’instant même de la nouvelle année : « On a fini de
l’enregistrer 4h avant de le publier sur internet! On a passé notre nouvel an
dans un studio d’enregistrement. »
De la profondeur
Dans leur musique, on retrouve une profonde
réflexion sur le monde. Trois d’entre eux étudient dans des domaines qui
alimentent la pensée critique, soit la sociologie et la philosophie. D’ailleurs,
ils trouvent parfois leur inspiration dans les textes qu’ils ont à lire dans
leurs cours : certains auteurs les marquent particulièrement. C’est
précisément de cette manière qu’ils ont trouvé leur nom de groupe, Negate
Life. « À la base, on avait du mal à trouver un nom…puis finalement
c’est un auteur qu’on aime beaucoup dans le band, Théodor Adorno, je lisais un
de ses livres qui s’appelle Minima Moralia et qui débute par la citation d’un
auteur allemand qui dit que la vie dans le capitalisme est une négation de la
vie, une négation de l’existence, il dit que la vie ne vit plus. »
Quand il était plus jeune,
l’auteur principal des textes, Nic, était impliqué dans les mouvements
étudiants : « J’ai fait les manifestations de 2012, celles de 2015
aussi, et c’est vraiment des moments de ma vie qui m’ont profondément marqué,
dit-il. T’sais, tu te lèves le matin, tu t’en va te confronter violemment
avec la police dans la rue pour des trucs qui te tiennent profondément à cœur,
puis c’est un peu difficile de rentrer chez soi le soir et faire comme-ci de
rien n’était le lendemain. »
C’est toutes ces expériences qui
fondent son écriture. Il se demande notamment comment faire pour garder la tête
hors de l’eau lorsqu’on est confronté à des situations d’injustices qui nous
touchent particulièrement, comme la crise climatique par exemple. « Comment continuer à vivre
normalement ? demande- t-il. Y’a pas vraiment de façon de le faire
finalement. C’est des problèmes qui sont là, on peut pas faire comme si ça
existait pas, on a pas le choix de les attaquer de front, parce que ça prend
des proportions vraiment trop grosses. »
Nic parle notamment de son éco-anxiété,
une forme de malaise profond face aux changements climatiques dont sont
victimes de plus en plus de personnes, principalement des jeunes. Les personnes
atteintes peuvent ressentir une angoisse profonde, avoir du mal à dormir,
souffrir de dépression, tout ça relié à une chose : le sort de notre
planète.
La violence est la seule
solution ?
Le titre de leur nouvel album, Violence
is the only way, a fait beaucoup parler et c’était d’ailleurs l’objectif
recherché. « Dans le groupe, on pense qu’une manifestation violente a
sa place, on croit que des blocages, des sabotages, ça a sa place, explique
Nic. On croit en l’action directe, parce qu’on vit justement des situations
qui nous dépassent et qui sont absolument outrageantes. C’est pas juste en
mettant ses « cannes » de Coke au recyclage pis en faisant du compost
qu’on va régler les choses. »
Par contre, ils soulignent que le
nom de leur album n’est pas un appel à la violence gratuite et que ce n’est pas
à prendre au premier degré. « C’est dommage en fait, qu’on en vienne à
considérer l’action directe et la violence comme des solutions. Ça ne devrait
pas, expliquent-ils. On devrait
être capable de se parler, trouver des solutions communes, pis se faire écouter. »
En bref, leur nom d’album n’est
pas une célébration de la violence, mais plutôt un constat de tristesse. Ils
réagissent face au fait que les gouvernements n’écoutent plus la population et
que celle-ci peine à se faire entendre. Faudra-t-il aller jusqu’à la violence
pour changer les choses? Ce n’est pas voulu. Mais que faire, alors?
Point vocabulaire
Certains termes, comme « musique
extrême » ou « powerviolence » sont étrangers à ceux qui
ne sont pas familiers au monde du métal. Negate Life se définit de plus
en plus comme un groupe de musique extrême suite à une prise de
conscience qu’ils ont eu par rapport aux différentes divisions dans le métal.
Leur style de métal va chercher des éléments dans plusieurs catégories de la
musique et ils se sont déjà faits reprochés ce mélange des styles. « On nous
a déjà dit qu’on ne faisait pas du vrai métal, expliquent-ils. Bizarrement,
c’est souvent les plus vieux qui nous font la remarque. »
Quant au « powerviolence »,
c’est un style de musique qui s’est développé en réaction au punk hardcore des
années 90, mouvement lui-même développé en réaction au punk, jugé « trop
propre ». Une autre caractéristique du mouvement « powerviolence »,
c’est le fait qu’il se soit développé dans les régions des États-Unis, tandis
que le hardcore était très urbain. De plus, alors qu’on reprochait au hardcore
une certaine dé-politisation, le « powerviolence » renoue avec
l’engagement politique et la dénonciation d’éléments sociaux. C’est d’ailleurs
ce qui a attiré le groupe au départ. Cependant, ils se rendent compte peu à peu
qu’ils peuvent garder ce côté « dénonciateur » tout en s’éloignant de
l’étiquette « powerviolence ».
Projets futurs
Après la création du groupe en 2017, un EP en
2018 puis un album en 2019, la tendance va se maintenir puisque Negate Life
sont déjà en préparation d’un nouvel album ainsi que d’une collaboration avec
un autre groupe de métal. Les deux projets devraient sortir courant 2020.
« Pour le nouvel album, on veut vraiment faire beaucoup
d’expérimentations, on veut sortir des sentiers battus, expliquent-ils. On
va réviser notre méthode de travail et prendre davantage de temps, se calmer
sur les shows pour que l’album nous satisfasse complètement. »
Leur mot de la fin ? « Le
projet de Loi 21 est fondamentalement raciste et xénophobe. »
Rien à ajouter.
Negate Life seront en spectacle
le mardi 9 juillet, à 18h, à l’Anti Bar et Spectacles. Si vous avez une passe
du FEQ, c’est gratuit ! Sinon, le spectacle vous coûtera un maigre 10$ à la
porte qui en vaudra amplement la peine !